Nikolaï Andreïevitch Rimski-Korsakov (1844-1908) écrivit la suite symphonique "Shéhérazade" en moins d’un mois. Son inspiration le compositeur a puisé dans le recueil de contes arabes «Mille et une nuits».
Genèse
Nikolaï Andreïevitch Rimski-Korsakov écrivit la suite symphonique "Shéhérazade" en moins d’un mois. Son inspiration le compositeur a puisé dans le recueil de contes «Mille et une nuits».
Ce monument littéraire, basé sur le folklore de l’Inde, de l’Iran et des peuples arabes, est devenu largement connu au 17ème siècle. Le recueil a été traduit en russe du français dans les années 1760-1770. Rimski-Korsakov devint le premier compositeur qui ne craignit pas de se référer à cette oeuvre. À l’époque, elle en a choqué plusieurs par sa brutalité et sa franchise excessive dans certains épisodes.
Initialement, chaque partie avait un titre révélant partiellement son contenu, mais dans la première édition les titres ont disparu à la demande du compositeur. Ainsi, il est encore difficile de savoir quelles parties des contes de « Shéhérazade » sont au cœur de la suite.
Dans des lettres à un ami proche Alexandre Konstantinovitch Glazounov, Rimski-Korsakov a admis que l’idée d’une suite orchestrale basée sur l’histoire « Mille et une nuits » lui était née il y a longtemps, mais il a décidé de commencer seulement en 1888. Selon le compositeur, les premières mesures lui furent données avec beaucoup de difficultés, mais bientôt il parvint à réaliser ses idées en musique.
Nikolaï Andreïevitch s’en est réjoui, car activités d’écriture ont été récemment mises de côté.
Dans les années 80, Rimski-Korsakov fut l’une des figures musicales les plus réputées et populaires. Sur ses épaules reposaient le travail d’un professeur du Conservatoire de Saint-Pétersbourg, et la participation à la gestion de la Cappella de la cour, et le compositeur achevait beaucoup de partitions de ses amis musiciens.
La création de « Shéhérazade » a eu lieu en octobre 1888. Le compositeur lui-même a dirigé l’orchestre lors de la série musicale du mécène Mitrofan Belaïev « Le Concert symphonique russe ». D’ailleurs, Rimski-Korsakov fut chef principal et directeur musical des séries jusqu’à 1900.
Partie par partie
Initialement «Shéhérazade» a été écrite par l’auteur comme une suite classique, parce que chaque partie de celle-ci a reçu son propre développement et titre. Mais après le refus du compositeur de nommer des parties en faveur de la numérotation, l’œuvre ressemblait plus à une symphonie. D’où le nom complet «Shéhérazade», suite symphonique.
La suite est composée en quatre parties, qui sont des épisodes séparés complets, mais combinés par quelques leitmotivs. Par exemple, le thème du sultan Chahriar, comme on l’appelle communément, est représenté par les formidables unissons acérés des cuivres et des cordes. Le thème de Shéhérazade, d’autre part, est exprimé par un violon solo accompagné d’une harpe : elle charme et fascine, vous faisant écouter la ruse sonique orientale. Les deux thèmes changeront à mesure que le récit progressera, mais ils resteront reconnaissables même à la fin, lorsque le cœur de Chahriar s’adoucit et que la musique change d’humeur.
La première partie a été nommée par l’auteur « La Mer et le bateau de Sinbad ». L’introduction a été marquée par l’apparition de Chahriar, puis la narratrice elle-même - Shéhérazade. Vient ensuite le tour du thème maritime - les cordes sont complétées par des accords de vent, transmettant les vagues, puis la douce flûte peint la course du navire à travers la mer. La tempête se développe par le bruit alarmant des cordes, des cris plus aigus du vent, tissant des thèmes dans le chaos de la tempête.
La deuxième partie « Le récit du prince Kalender » commence par le thème de l’héroïne principale, et se transforme progressivement en une mélodie orientale brillante. Au milieu de la partie il y a un thème de bataille, qui rappelle le thème de Chahriar. Le vol de l’oiseau légendaire Rukh se produit sur le fond de la scène de bataille par le son d’une flûte-piccolo. L’achèvement de la partie : une transition du thème de la bataille au thème du prince.
La troisième partie, appelée « Le Jeune Prince et la Jeune Princesse » est basée sur deux thèmes qui caractérisent les principaux personnages de l’histoire. L’un d’eux, thème du Prince plus lyrique, mélodique, le second, celle de la Princesse, le complète d’intonations joyeuses. Les thèmes se développent, se tissent, acquièrent de nouvelles couleurs vives.
La quatrième partie, appelée par le compositeur « La Fête à Bagdad. La Mer. Le Naufrage du bateau sur les rochers. » comprend une combinaison de presque tous les grands thèmes de la suite des parties précédentes. Ici, ils s’entrelacent de manière sophistiquée, se remplissent de nouvelles nuances, et créent une image de plaisir sauvage. La fête est remplacée par une tempête de mer, dans laquelle l’œuvre de Rimski-Korsakov atteint la perfection.
Et après …
Le 4 juin 1910, deux ans après le décès du compositeur, « Shéhérazade » a brillé sur la scène de l’Opéra de Paris lors des « Saisons russes » de Serge Diaghilev. Le spectacle a subjugué le public français à la fois par la richesse musicale, la chorégraphie de Michel Fokine et les costumes de Léon Bakst transmettant ensemble les saveurs orientales inédites.
La production de ballet a reçu une seconde vie en 1994 grâce à Andris Liepa, danseur étoile russe du Théâtre Bolchoï. Non seulement la chorégraphie de Michel Fokine a été entièrement reconstruite, mais aussi les croquis de Léon Bakst ont retrouvé une nouvelle vie. Depuis, « Shéhérazade » est présentée régulièrement sur les scènes des plus grands théâtres et maisons d’opéra du monde.
Les airs orientaux de « Shéhérazade » ont inspiré des musiciens du XX-XXI siècle. Par exemple, en 1968, le groupe Deep Purple a présenté un arrangement de la première partie de la suite sur un orgue électrique.
En 1971, le groupe Collegium Musicum a intégré dans son album un arrangement de la suite.
En 2005, « Shéhérazade » a été transcrite pour instruments à vent et présentée au public par le Wind Ensemble Robert Paterson (États-Unis). En 2010, le Festival de jazz de Moscou a présenté un arrangement « Shéhérazade XXI » d'Igor Butman et Nikolaï Levinovsky.
Parmi les œuvres musicales de Prokofiev, il y a « Fantaisie sur le thème de Shéhérazade », inspirée de la suite de son professeur Rimski-Korsakov.
Maurice Ravel a toujours fièrement dit que son livre de référence est la partition de « Shéhérazade » de Rimski-Korsakov, vers laquelle il revient souvent pour apprendre l’instrumentation. En 1903, il a écrit sa «Shéhérazade», un cycle vocal de trois poèmes pour voix et orchestre.
« Shéhérazade » de Rimski-Korsakov à ce jour reste l’une des grandes œuvres musicales prisées par les cinéastes.
J’ai la chance de faire mon interprétation de ce chef-d’œuvre grâce à mon art – dessin sur sable. La musique romantique fascinante, pleine de couleurs et d’émotions, m’a conduit à n'utiliser qu'une seule couleur dans le dessin : terre cuite. Il me semble qu’elle représente parfaitement cette œuvre en me rappelant les sculptures en terre rouge de Grèce Antique.
Ici encore, il y aura des clefs qui ouvriront les portes non seulement pour l’évasion de Shéhérazade, mais aussi les clefs pour les chambres silencieuses de l’âme qui ne s’ouvrent que rarement, mais pas pour tout le monde...
Et rappelez-vous : il y aura le silence après la tempête, il y aura la réconciliation après la querelle, il y aura la liberté après l’évasion.
Comments