La Petite Sirène est l’un des personnages clés d’Andersen. Elle est devenue le symbole de la capitale danoise, une héroïne de l’une des plus célèbres histoires du conteur.
Lors de la création de cette œuvre, l'auteur s’est inspiré des légendes et des mythes sur les magnifiques créatures aquatiques. Dans son travail, il a créé de nouveaux mondes, mais les épreuves de sa vie ont indubitablement influencé son œuvre.
La vie d'Hans Christian Andersen : un conte de résilience et de créativité
Hans est né dans une famille pauvre. Son père avait reçu une éducation de base, tandis que sa mère était complètement illettrée. Son père est décédé lorsque Hans n'avait que 11 ans. Dès son plus jeune âge, il aimait les histoires et pouvait les raconter sans fin. Sa mère ne soutenait pas vraiment les passions de son fils. Après la mort de son père, l’enfant a commencé à travailler dans une usine de textile, puis est devenu apprenti chez un tailleur. On l’a envoyé dans une école pour les pauvres, mais il détestait cet endroit, préférant passer son temps libre à divertir les autres avec ses histoires. Il dansait souvent pendant ses récits, rendant ses histoires encore plus expressives.
Le jeune Andersen a décidé de quitter Odense pour la capitale Copenhague dans l’espoir d’une vie meilleure. Il a essayé de chanter dans une chorale, mais a perdu sa voix. Il a ensuite tenté sa chance dans le ballet, mais sa corpulence et ses faibles compétences en coordination des mouvements sont rapidement devenues des obstacles. Pendant trois ans, le jeune homme a vécu dans la pauvreté, dans des conditions bien plus dures que chez lui. La rudesse et la tragédie de ces années ont fortement marqué sa vie et ont révélé en lui une passion pour les histoires féeriques. La pauvreté a nourri la morale qui allait devenir le fil conducteur de toutes ses œuvres. Dans chacune de ses histoires, Hans glorifiera les pauvres et les malheureux.
Dans "La Petite Sirène", il a incarné sa propre tragédie : un être d’une autre nature, incapable de trouver une réponse à son amour.
La création de "La Petite Sirène" : entre souffrance et inspiration
"La Petite Sirène" a été publiée en 1837, comme une lettre ouverte de Hans Christian Andersen à son ami, le fonctionnaire de Stockholm, Edward Collin, pour lequel Hans éprouvait des sentiments tendres. Lorsque Andersen apprit les fiançailles de Collin avec une jeune femme, il lui avoua son amour, mais celui-ci rejeta cette déclaration avec dégoût. Andersen écrivit alors "La Petite Sirène", où il dépeignit symboliquement l’impossibilité d’être avec Collin. Tout comme Andersen, elle ne recevra pas le baiser de l’amour véritable, qui pourrait lui sauver la vie et la rendre humaine. Néanmoins, la Petite Sirène choisit le sacrifice plutôt que la vengeance, en disparaissant dans l'éternité et en rejoignant son élément.
Il envoya son manuscrit à Collin, et celui-ci entra dans l’histoire comme la lettre d’amour la plus émouvante jamais écrite.
Les racines mythologiques de "La Petite Sirène"
Lors de la composition du conte, Andersen s’appuya en grande partie sur le folklore européen. Les déesses marines sont déjà présentes dans la mythologie égyptienne au IIe millénaire avant notre ère et se répandent dans la culture eurasienne. Les représentations d'oiseaux à tête de femme ne sont pas rares. En Égypte, cette dièse est appelée "Ba" et représente l'âme du défunt quittant le corps. Le plus souvent, Ba ornait les sarcophages et les tombes, entourant les momies. On les voit souvent dans les décors funéraires.
Ces images ont également pénétré la culture grecque sous la forme des Sirènes et des Harpies (demi-femmes, demi-oiseaux de proie, à la différence des Sirènes, ces créatures laides étaient connues pour leur cruauté). Dans la Grèce antique, une légende circulait selon laquelle les Sirènes accompagnaient Perséphone, la fille de la déesse Déméter, et la perdirent de vue lorsque le dieu des Enfers, Hadès, enleva Perséphone pour en faire sa femme. Pour les punir, Déméter transforma les Sirènes en oiseaux, soit pour leur faciliter la recherche de leur amie, soit en guise de châtiment pour leur négligence. Finalement, les Sirènes, enragées contre le monde entier, furent bannies sur une île isolée où elles furent contraintes de se nourrir de charognes, comme des vautours. Elles attiraient les marins avec leurs chants en mer, les conduisant ainsi à s'échouer sur les rochers, entraînant leur mort. Les Sirènes se nourrissaient alors des corps des naufragés.
Les Sirènes sont mentionnées pour la première fois dans l'épopée d'Homère "L'Odyssée" au VIIIe siècle avant notre ère, dans le célèbre épisode où Ulysse se fait attacher au mât de son navire pour ne pas succomber aux chants des Sirènes, tandis que ses rameurs se bouchent les oreilles avec de la cire pour éviter le sort mortel.
Le chant des Sirènes n’était pas une simple mélodie, mais un don de prophétie dont elles étaient dotées, en plus de leur voix envoûtante, et ce sont leurs récits du passé et de l’avenir qui rendaient les marins fous.
Des divinités anciennes aux créatures de légende
À partir du 3e siècle avant notre ère, les classiques commencèrent à assimiler les Sirènes grecques aux Néréides (ou nymphes des mers), ce qui conduisit à représenter les héroïnes de l'épopée homérique avec une ou même deux queues de poisson écailleuses.
Au Moyen Âge, à l'apogée de la religion chrétienne, les Sirènes furent considérées comme une allégorie des courtisanes chantantes, symboles des tentations mondaines. Au lieu des instruments de musique traditionnels, elles étaient désormais représentées dans l'art comme des sirènes ordinaires, avec un peigne et un miroir à la main, symbolisant la vanité. Toutes les créatures chimériques étaient perçues non pas comme des êtres mythiques, mais comme des messagers de Diable, des impuretés et des démons, interdits d'entrée au Paradis, ne pouvant que nuire aux hommes et les tuer.
En Danemark, les nymphes des mers pouvaient provoquer des tempêtes, non pas avec un trident, mais simplement par leur apparition dans le champ de vision des marins. Cela présageait une grande tempête, décrite par Andersen dans son célèbre conte.
Au XVIe siècle, l’alchimiste et médecin Paracelsus, auteur d’une philosophie occulte, développa la théorie des éléments, dans laquelle les gnomes, les salamandres, les sylphes et les ondines incarnaient les quatre éléments : la terre, le feu, l’air et l’eau. Ils étaient représentés non pas comme des opposés à l’essence divine, mais comme une partie de la nature créée par Dieu. Paracelsus croyait que Dieu avait créé ces êtres pour qu'ils puissent devenir les gardiens des quatre éléments – les trésors du monde, que les hommes pourraient détruire ou piller. Ces créatures ressemblaient physiquement aux humains, mais elles étaient composées d'un seul élément et ne possédaient pas d'âme immortelle. En mourant, elles retournaient à l’élément auquel elles appartenaient.
Ce thème est devenu populaire à l’époque du romantisme du XIXe siècle, provoquant de nombreuses discussions et trouvant même une place dans la littérature. Le premier à doter ces étranges créatures mythologiques de qualités divines dans la littérature fut Friedrich de La Motte Fouqué, avec sa nouvelle "Ondine" écrite en 1811. Puis vint le poème "Lorelei" de Heinrich Heine en 1824. Ensuite, Hans Christian Andersen, inspiré par ses prédécesseurs, écrivit "La Petite Sirène" en 1837, une histoire d'amour impossible et interdit qui empêchait l'obtention d'une âme éternelle. En 1891, Oscar Wilde écrivit la nouvelle "Le Pêcheur et son âme", où le protagoniste cherche à se débarrasser de son âme pour rejoindre une sirène.
Selon les légendes romantiques tardives, une sirène est une créature sans âme, cherchant à épouser un homme mortel pour devenir humaine. Si l'on décide de vivre sous l'eau avec une sirène (ou une ondine), les années passeront comme des minutes. L’homme, épuisé par les caresses de ces créatures mi-femme, mi-poisson, ne reviendra jamais sur terre.
La piété et la quête de l'âme Immortelle dans "La Petite Sirène"
Andersen, profondément croyant, a fait de nombreuses de ses histoires (à l’exception peut-être de "La Princesse au petit pois", "Le Porcher" et "Les Habits neufs de l’empereur", où il se moque des vices de la société de son époque avec une pointe de satire) des paraboles chrétiennes, se mêlant habilement au folklore européen.
La Petite Sirène dans le conte d'Andersen est moins préoccupée par la recherche du bonheur personnel que par celle de l'immortalité de l'âme humaine. Selon la religion chrétienne, chaque personne croyante est dotée dès la naissance d'une âme capable de survivre à la mort physique du corps et de vivre éternellement, soit en Enfer pour les péchés après le Jugement dernier, soit en présence de Dieu au Paradis, priant pour les autres si l'âme est juste.
Dans le conte d'Andersen, la Petite Sirène discute de l'immortalité de l'âme avec sa grand-mère. Après avoir sauvé le Prince lors d'une tempête, la Petite Sirène de quinze ans (15 ans – l’âge de la majorité pour les filles au Danemark à l’époque) pose à sa grand-mère une question étrange : "Si les hommes ne se noient pas, vivent-ils éternellement, ne meurent-ils pas comme nous ?". La vieille dame répond affirmativement, en remarquant que la durée de vie des nymphes des mers est de trois cents ans par rapport aux années humaines. Andersen paraphrase également légèrement une citation biblique en disant que "Nous sommes comme un roseau : arrachez-le avec ses racines, et il ne reverdit jamais. Quand notre fin arrive, on ne nous enterre pas parmi nos proches, nous n'avons même pas de tombe, nous nous transformons simplement en écume de mer."
Par la voix de la Grand-mère, Andersen souligne la principale différence entre les nymphes des mers et les humains, qui ne réside pas seulement dans la possession de jambes ou de queues de poisson. On explique à la Petite Sirène que les nymphes des mers n'ont pas d'âme immortelle et sont condamnées à une mort sans gloire, tandis que les hommes, c'est-à-dire nous, "peuvent, après la mort, s'élever vers des contrées bienheureuses inconnues, que nous ne verrons jamais !". Déçue par la réponse de sa Grand-mère, la Petite Sirène oublie même un moment le Prince qu'elle a sauvé et se demande s'il est possible d'obtenir une âme immortelle. C'est alors que la Grand-mère informe sa petite-fille qu'il existe en effet un moyen d'y parvenir, poussant la Sirène à entreprendre de nouveaux actes.
Quant à l’autre héroïne du conte d'Andersen, la Princesse, son histoire est racontée de manière succincte. Ce n’est que vers la fin du récit que l’on apprend que cette fille douce et innocente a été élevée non pas dans un palais entourée de gouvernantes, mais dans un monastère, où elle a rencontré le Prince, que la Petite Sirène avait laissé sur le rivage. On ne peut pas la qualifier d’intrigante – la Princesse a simplement aidé une personne en détresse, sans savoir qu'elle épouserait bientôt cet homme ! Les circonstances ont simplement pris une tournure étrange, mais la Princesse n'en est pas responsable.
La véritable opposition entre la Petite Sirène et la Princesse dans le conte d'Andersen réside dans le fait que la dernière possède une piété et une âme, et si l'on considère que la Princesse ressemble extérieurement à la Petite Sirène, on peut en conclure qu'elle est une sorte d'alter ego. La jeune fille pieuse du monastère a mérité le bonheur et la vie éternelle par sa droiture, contrairement à la nymphe des mers, qui rêve de devenir humaine et d'acquérir une âme immortelle. Et il n'y a aucun drame, aucune trahison ou jalousie entre les personnages de cette histoire.
En 1891, environ 50 ans après la publication du conte d'Andersen, Oscar Wilde continua à développer cette idée de l'immortalité de l'âme et des sirènes dans son œuvre "Le Pêcheur et son âme". Si Ondine et Lorelei meurent elles-mêmes à la fin des récits, et tuent leurs amants par vengeance, comme les Sirènes grecques, sans obtenir quoi que ce soit, l'héroïne d'Andersen surmonte le besoin de vengeance. Même en mourant, elle ne ressent pas de colère, mais de la joie et fait preuve de générosité humaine, laissant partir le Prince avec un sourire. Et le chemin de la Petite Sirène mène au Royaume de Dieu – au Paradis...
Réflexions sur la fin de "La Petite Sirène" : entre controverse et appréciation
De nombreux critiques littéraires, y compris Pamela Travers, ont accusé Andersen d'illogisme et d'absurdité dans la fin de son conte, car la Petite Sirène aurait dû disparaître à jamais. Cependant, d'autres critiques, dont Søren Baggesen et James Massengale, ont affirmé que la conclusion de l'histoire était une partie naturelle de la structure du récit en tant que récit religieux. En 1837, peu après avoir terminé son manuscrit sur la Petite Sirène, Andersen écrivit à un ami :
"Je ne voulais pas, comme De La Motte Fouqué dans "Ondine", que l'acquisition par la sirène d'une âme immortelle dépende d'un être étranger, de l'amour d'un homme. Je suis sûr que c'est incorrect ! Cela dépend en grande partie du hasard, n'est-ce pas ? Je ne tolérerai pas cela dans ce monde. J'ai permis à ma sirène de suivre un chemin plus naturel, plus divin."
Oui, pour mériter une âme immortelle, il n'est pas nécessaire d'être aimé, un être humain peut, par ses propres actions, manifester son humanité et ainsi mériter la grâce de Dieu. Andersen choisit pour son héroïne la voie de l'acceptation, du pardon et de la résignation.
Andersen lui-même finit sa vie dans la solitude, soit en luttant contre sa nature, soit en acceptant sa différence, la gloire n'améliorant en rien sa vie personnelle.
Vous pouvez découvrir l’histoire de « La Petite Sirène » à travers les spectacles envoutantes et philosophiques en dessin sur sable en version avec l’orchestre, la musique de chambre et en mono-spectacle de Katerina Barsukova.
Katerina Barsukova, sand artist
Olga Aleksandrova, manager d'artiste
Commenti